Le Train Bleu

Il y a quelques années de cela, nous partîmes avec entrain en voyage de cette belle Gare de Lyon pour faire rugir dans notre élan, les ressorts d’un wagon lit vers la Sérénissime…

Notre train avait la couleur grise du ciel qui gronda à notre arrivée.Nous n’avions pas oublié nos bagages avec nos valises sous les yeux, mais il sembla qu’il y eut quelque oubli majeur, une couleur manquait à notre trajet, il y manquait passablement de bleu..Nous n’avions pas célébré par un écrit et un alcool notre départ au….Train Bleu.

Ah, le Train Bleu, dont je n’ai fréquenté jadis que son Bar pour réveiller mes jours et mes nuits de pêcheur draguant le fond, le train bleu qui observe votre départ ou votre arrivée du 1 er étage de la Gare de Lyon du haut de toute sa majesté, ce train bleu accessible sans billet doux par un escalier à double révolution, ce train bleu qui sifflait trois fois quant Dali en faisait tout autant en contemplant des commodités le départ des trains, ce train bleu qui accueillait Nikita pour quelques coups de feu, ce train bleu où Mister Bean fit la connaissance des huitres en sac et des langoustines craquantes.

La Gare de Lyon n’a eu de cesse de renaître.Mise en plan par Francois-Alexis CENDRIER puis partiellement incendiée en 1873 avant d’être remise sur pieds, c’est à Marius TOUDOIRE, ce visionnaire, à qui l’on doit pour l’occasion de l’exposition universelle de 1900, d’avoir fait édifier la Tour Horloge, la façade monumentale de la Gare de Lyon et le fameux « buffet » luxueux au centre de la gare pour que le propos culinaire soit aussi à l’heure que sur de bons rails.Emile LOUBET alors président de la République, le 7 avril 1901, inaugura le bâtiment.Albert CHAZAL rebaptisa en 1963 « le Buffet de la Gare de Lyon »en « Le Train Bleu » en référence au légendaire « Paris-Vintimille » qui partait dans un confort luxueux en direction de la côte d’azur.

Le Train Bleu n’a également eu de cesse de reparaître. Rescapé de toute idée de démolition par André MALRAUX en 1966, classé au Monument Historique dès 1972, le train bleu a tout récemment encore, connu un toilettage magnifique en 2014 par l’architecte Jean-Marie DUTHILLEUL: cuisines modernisées, nettoyage des fresques, murs repeints, dorures repassées à la feuille d’or, parquets refaits à l’identique, nouveaux fauteuils et banquettes chantant le god is blue à la manière de Sébastien TELLIER.

Le Train Bleu semblait souffrir depuis quelques années, au gré des récits, de quelques écrits, d’une réputation culinaire fatiguée en mode TGV: Très Grand Vide.Et pourtant, il était toujours à l’heure, toujours en bonne marche continuant à faire voyager petits et grands, touristes et habitués, ferrovipathes et historiens du jour et de la nuit.

Une nouvelle carte est de mise depuis aujourd’hui, la nouvelle carte bleue porte à son crédit la belle sonorité d’une saine collaboration qui veut « réinterpréter ce mythe du buffet de gare« .La si belle Maison ROSTANG, leur si grande humilité, et le remarquable chef du Train Bleu Jean-Pierre HOCQUET, tout en préservant l’authenticité du Voyage Paris Lyon Méditerranée semblent insuffler un Vent Nouveau en cette Belle Epoque culinaire qui pourrait bien rappeler Parisiens et Fins Gastronomes pour tous s’accorder enfin, d’une seule fourchette, à sa table. Oui, disons le tout haut, les brigades s’accordent, la carte est parfaite pour le lieu, le renouvèlement est parfaitement maitrisé en ce qu’il n’entame pas la colonne vertébrale historique de la Maison Bleue qui continue de prendre le large vers le ciel enchanté de la Méditerranée.

On entend déjà à table : « Etiez vous à l’heure du changement en ce joli début d’Automne?« L’Automne, décidément une saison où tout change: les sourires offerts par la végétation, la manière de s’habiller, de se mouvoir…Tout change…Tout, sauf le sablier du temps qui continue à faire son oeuvre délicate sur les dorures du présent.

Bien installé dans le salon doré en sa table 38, non loin notamment de pas moins de 2 grands moments du cinéma et avec vue sur les trains bleu-nuit, on mesure tout de suite sa place, celle d’un promeneur dans l’histoire qui s’en va peindre le moment. Un groom faisant ici officiellement sa toute première sortie, depuis la nouvelle carte, donne le tempo…

La nouvelle carte est belle, alléchante. Les pages respirent la belle brillance de la Maison ROSTANG : Carte courte, efficace.A premières lectures, le Marché du chef : fricassée de champignons des bois moules et chorizo émulsion de pommes de terre, poitrine de cabillaud rôti mitonnée de coco de paimpol, vol au vent de volaille et ris de veau girolles et vin jaune, figues de solliès rôties au cassis sorbet fromage blanc brioche toastée. Des Menus Train Bleu et PLM épatants.A la carte sinon: Entre autres Entrées: marbré de foie gras de canard magret fumé et artichauts, ravioles de romans au bouillon de poule, pâté en croute de gibier et foie gras de canard; Entre autres poissons: quenelles de brochet à la lyonnaise, filets de sole bonne femme, turbot grillé pour 2; Un plat végétal: cocotte luttée de champignons des bois et légumes d’automne; Entre autres viandes: fameux gigot d’agneau de nos régions rôti servi à la voiture de tranche et son gratin dauphinois maison rostang, côte de veau foyot jus de veau acidulé, filet de boeuf à la casserole jus à la moutarde de dijon, ; Et des desserts si généreux encore: omelette surprise flambée à la chartreuse épiscopale, profiteroles glace vanille et sauce chocolat noir guanaja, cigare croustillant fait de tabac de la havane, baba bouchon au rhum.