Pearl Jam Dark Matter
Ah…Pearl Jam.
Un sacré retour le 19 avril 2024 dans les bacs, soit 4 ans après Gigaton.
En 4 ans, il s’en est réalisé des choses.
Nous voulions l’appeler Eddie, et puis l’année des S nous a amené à le prénommer Starsky.
Inspirez, soufflez,
Inspirez encore, soufflez puis poussez..
Inspirez, soufflez,
Inspirez de nouveau, soufflez puis poussez..
Oui comme cela, poussez..
L’accouchement de Dark Matter, 12 ème nouveau-né, se fit dans une douceur, une grâce que les Dieux dénombrent comme issue d’une gestation de 3 semaines dans les studios (de Rick Rubin) Shangri-La à Malibu sous la patte de velours à la production de Andrew Watt (producteur prolifique des derniers opus de Iggy Pop, Ozzy Osbourne, des Rolling Stones, du dernier album solo de Eddie Vedder le merveilleux Earthling..).
3 semaines de jams, de prise directe entre amis, 3 semaines entre les 5 fantastiques (Eddie Vedder, Mike Mc Cready, Stone Gossard, Jeff Ament, Matt Cameron ), Josh Klinghoffer merveilleux guitariste et pianiste (RHCP) ayant déjà brillamment officié sur le disque Earthling de Eddie et la fantastique tournée des Earthlings mais également Andrew Watt le si brillant producteur et multi instrumentiste.
Ils sont allés vite, chaque morceau correspondant à 2-3 prises directes.
4 années se sont écoulées depuis Gigaton et contrairement à ce dernier, l’attente du nouvel album se fit moins cryptique sur les dessous chics de l’œuvre.
Il y aura eu :
– le Dark Matter Observer permettant de déguster à travers l’observation du ciel avec son mobile, des extraits du nouvel opus,
-le running club pour les plus chaussés des chaussées,
-des listening parties le 14 avril 2024 avec Eddie distribuant des shots de tequila,
-le 16 avril 2024 une double écoute (même au Grand REX qui ne mord pas) de l’album dans les cinémas : une première écoute dans le noir complet, une deuxième avec des images psychédéliques et les paroles pour mieux gober en couleur la bonne dope distillée par ces morceaux.
-le Dark Matter Verse le 19 avril 2024 à Londres.
Le 1 er single « Dark Matter » sort le 13 février 2024 à 6 heures du matin. Je l’écouterai après avoir veillé d’un œil à la suite de travaux assourdissants du dessus et du dessous, d’une intervention des pompiers particulièrement matinale réveillant le smoke on the water qui sommeillait en moi.
Le 2 ème single « Running » sort le 22 mars 2024 et enfin le 3 ème single « Wreckage » le 17 avril 2024.
Le 19 avril 2024 à minuit 1 minute après avoir chauffé l’engin et mis au feu notre précieux anneau gastrique, nous découvrîmes cette superbe galette œuf jambon fromage.
Pause apéro culturel :
A noter que pour la première fois dans l’histoire du groupe, sur le livret n’est plus spécifié qui est l’auteur de la musique de chaque chanson. C’est le groupe en son entier qui est indiqué comme ayant écrit la musique avec Andrew et même Josh sur un titre.
Eddie est toujours seul aux commandes de l’écriture des textes.
Il a délaissé sa machine à écrire Torpedo Modele 18 B Circa 1961-62 qu’il avait encore utilisé pour les textes de Gigaton.
La pochette de l’album a été mise en lumière par Alexandr Gnezdilov. L’œuvre parfaitement splendide a été réalisée avec les lettres du groupe. Elle fera date tant elle apparaît complexe, protéiforme et semble réaliser une représentation de notre cerveau pris dans les filets de connexions nerveuses et électriques passées sous IRM presque fonctionnel.
Les photos du livret sont superbes et traduisent bien l’alchimie du groupe.
L’album est dédié à PO avec un monolith dessiné à côté : référence certainement à la pochette de Presence de Led Zeppelin signée Hipgnosis et à ce fameux monolith. Cette société de conception de pochettes mythiques d’albums ( Dark Side Of The Moon, Wish You Were Here, Houses of the Holy, Technical Ecstasy) a été créée notamment par le formidable Audrey Powell alias PO.
Dégustation :
Le son MP3 à minuit 1 minute ne permettra pas encore de tirer le beau portrait de l’édifice.
Il fallait attendre que le citron pressé retrouve de la pulpe avec le CD et le vinyle pour qu’explosent enfin à la fesse de Golum et à la face du monde, le brio de ce disque produit par un vrai amoureux et fin connaisseur du groupe.
On fait comme Andrew, on sort le t-shirt Pearl Jam et c’est parti !
« Scared Of Fear » L’ouverture de l’album poursuit la ligne tracée par « Once » sur Ten et « Who ever said » sur Gigaton. Nous sommes en carré or orchestre afin de se pacser avec la théâtralité de l’approche. 24 secondes de surprenante plage musicale avant que d’un coup de queue issue du billard de Sean Penn, le titre par un riff de Stone nous envoie tous danser avec les loups. La rythmique est impeccable comme issue d’une session de Yield. Eddie tire le bilan des années Covid : « we used to laugh, we used to sing, we used to dance, we used to believe ». Un solo dantesque, un break convoquant les fantômes du passé et interrogeant sur la survie d’une relation « hear the voices calling, oh again they’re calling, all around my head, have i lost my friend ? ».
« React, Respond » 3 minutes 30 de pure jouissance. Le titre surprend d’emblée avec cette basse épileptique, qui vrombit encore plus fortement que le « My Father’s Son » de Lightning Bolt. La musique de Jeff redonne de plus fort la vue aux aficionados du « What the peephole say » des Queens of the stone age. Un solo de Mike délirant avec une batterie complètement folle de Matt. Les arrangements de Andrew amenant au refrain sont fantastiques : dans cette forêt des décibels, des chants rêveurs amènent à une poussée de sève magique, le chêne Eddie n’a plus qu’à hurler magistralement « Don’t react, respond, don’t react, respond, when what you get, is what you don’t want, don’t react, respond ».
« Wreckage » 5 minutes pour une première ballade et un classique instantané. Cette chanson semble être le digne frère de « Long Way » de Eddie Vedder sur Earthling. L’approche embrasse la poésie de Tom Petty et notamment la fin du titre qui nous pousse à chanter « Learning to Fly ».
Eddie et Andrew seuls à la guitare acoustique ont gratté les premiers accords de ce bijou.
Le titre semble directement ancré dans la nature ( le soleil, la pluie, les vents, les tempêtes, les rivières, le sable ) mais également il se veut être une lettre ouverte envers la politique américaine et ses désillusions. Les paroles de Eddie sont fantastiques et critiquent l’ordre établi par les puissants. Il nous faut tenir le coup. « combing through the wreckage holding out holding on combing through the wreckage combing through the wreckage ». Andrew si malin permet même au groupe de traverser des ponts musicaux à la « Corduroy » issu de Vitalogy.
« Dark Matter » Matt est venu au studio avec son beat de batterie puis les uns après les autres, les membres du groupe ont ajouté leurs mesures. Ce titre si puissant traduit parfaitement l’équilibre existant entre les membres du band de Seattle.On retrouve la rythmique de « You are » de Riot Act en plein milieu du titre. Sur le pré refrain Eddie se veut spationaute reparti à l’assaut des étoiles immortalisées sur Binaural, l’effet sur sa voix est particulièrement spatial. Il cite King Diamond, appelle au dialogue et à ce qu’enfin la faute de certains ne soit pas payée par les mêmes. « Denounce the demigods king diamond to discard deploy the dialogue your word against the law ». La ligne sombre et mordorée dressée par les guitares est superbe et Mike balance un nouveau solo démentiel. Sur la pochette du single, on note une perle couchée dans un tourbillon. J’entends une voix qui me dit : Je n’ai plus besoin de chercher ma perle, je l’ai déjà trouvée.
« Won’t tell » 2 ème ballade du disque. Une chanson venue des rêves de Jeff. Une vraie surprise tant ce titre épouse des références new wave/pop dessinées par The Cure comme «just like heaven » notamment et se démarque nettement des classiques du groupe. Le refrain est un attrape cœur absolu réhaussé par une très belle cavalcade de guitares acoustiques. Certainement le refrain sur le disque qui soit le plus ancré dans notre ADN. Eddie chante divinement bien l’attente : « You can find me here. Waiting for your message to come Can you heal, Can you feel The chains in my heart ». La fin du morceau évoque les frissons de la nuit laissés sur « Seven o’clock » sur Gigaton et son « Much to be done « devenu ici « And the promise i still hold won’t tell a soul ».
« Upper Hand » Titre le plus long du disque et le plus expérimental sur 5 minutes 57 secondes. L’intro du titre est foisonnante, psychédélique, si dense et rappelle les expérimentations de « Inside Job » sur l’album Maître Avocat. The Edge est invité à la table de Stone et Mike. Le chant des sirènes scandinaves se fait entendre, elles semblent jouer de leurs charmes sur des claviers aquatiques. Le solo de guitare de Mike rappelle les plus grandes heures de Pink Floyd et le « Nothing as it seems » de Binaural. Ce titre fait le bilan d’une vie qui au fil de l’eau se noie mais regarde positivement dans les flaques laissées, les édifices sauvegardés par le temps. « The distance to the end is closer now than it’s ever been. The road we travelled far all the lights and sights we saw ». Et puis nous ne savons pas si en prenant la mer, en quittant la terre du milieu nous n’allons pas rejoindre les terres éternelles de Valinor..
Ce titre s’inscrit dans la trilogie de la main, après « Sleight of hand », « Severed hand ». Le groupe est soudé comme les 5 doigts d’une seule et même main. Prête-moi ta main que j’y glisse une bague..
« Waiting for Stevie » 5 minutes 41 secondes de démonstration de force. Ils attendaient Stevie Wonder, ce superbe musicien. Ils attendaient son amour de la musique. L’intitulé du titre est né ainsi et certainement lors des sessions de Eddie Vedder sur Earthling où Stevie Wonder était venu poser les notes de son harmonica. Mais le fond du morceau traite de l’Amour et de la solitude qui parfois y est attachée rappelant la pièce de Tennessee Williams « Cat on a Hot Tin Roof ». « You can be loved by everyone and not feel not feel love ». La voix de baryton de Eddie enveloppe ce titre surpuissant et réveille les années 90, Soundgarden et leur Down on the upside. Un pont musical rappelle David Bowie et son Space Oddity mais également le Earthly Messenger « Calling on a messenger awaiting on a face that she could trust a messenger for her love her love ». Mike délivre encore un solo dantesque.
A 4 minutes 57, on note un interlude de 44 secondes nous remémorant le « On my way » de Eddie Vedder qui aurait croisé le fer avec « Arc » issu de Riot Act.
« Running » 2 minutes 19 secondes de pure jouissance punk avec des nuances pop très inspirées. Explications vocales de Eddie à la sauce « Supersonic », des chœurs en mode « Satan’s bed », un pont musical aérien si surprenant « Was cleared for for lift off Aborted my take off Living in the shadows crossing my fingers a date with the gallows and a reprieve not looking likely ». Un solo de Mike étourdissant de maîtrise. Eddie s’égosille en fin de titre à faire sauter tous les plombages du plus brillant des dentistes. Le groupe est au summum et s’amuse !
« Something special » Très jolie ballade. Digne successeur de « Last Kiss », ce titre surprend tant il contraste avec la tonalité de l’album. Eddie chante si bien l’amour de son prochain, de ses filles. Issue des sessions de Earthling, il est une déclaration d’amour et un message très personnel de Eddie sur la transmission, les outils que l’on donne à ses amours pour avancer dans la vie et quitter le nid pour prendre son envol loin de la seule ligne simpliste tracée entre le temporel et le spirituel. La voix de Eddie est si émouvante tant il semble faire pleurer ses cordes vocales. Les parties de guitares sont superbes et lorgnent vers le Far West. « Oh and someday you may find yourself in the place that i now do ».
« Got to give » Une intro acoustique de 20 secondes nous aventurant dans les délices celtiques de Led Zeppelin. Ce morceau dont la première écoute n’a pas été évidente s’est révélé par la suite l’un des titres les plus forts et variés du disque. Il contient le plus beau pont musical du disque : « Let’s get to the point We all are heard and seen Let’s get to the point we can believe.. ». Un superbe solo lâché après le passage de témoin olympique lancé par Eddie, une énorme rythmique qui raisonne comme la réunion de The Who « Got to give Got to give… ».
« Setting Sun » 5 minutes 45. La boucle d’or est bouclée, et de nouvelles boucles, noires ou brunes sont à venir. Scared of Fear évoquait déjà ce « One last setting sun ». On trouve ici l’une des meilleures conclusions d’albums du groupe. La rencontre parfaite entre « Long Road » toutes percussions dehors et « Alright » pour le refrain. La ballade crépusculaire de 3 minutes cède sa place à une conclusion très rock et épique. En fin de morceau Eddie nous lâche « Let us not fade ». Il en reste sous la pédale d’effet. On les voit d’ailleurs tous ou presque dans le Howard Stern Show tâter la pédale d’effet de Mike prouvant qu’ils s’amusent toujours ensemble et qu’ils sont bien décidés à créer ensemble de nouvelles chansons. « May your days be long til kingdom come » sonne vraiment comme un retour du Roi, le retour des Rois.
Ce disque a t’il une production à la hauteur ?
Evidemment.La production n’a pas compressé les morceaux comme une mise en fourrière.Elle se démarque des productions passées en ce que le disque renferme plein de références à des chansons du groupe, des surprises sonores parlantes notamment pour les fans.
Ce disque manque t-il d’aération, d’un « Buckle up », d’un « Comes then goes » ?
Je ne le crois plus tant le disque semble être une journée passée avec le groupe résumée en 48 minutes 17 secondes.
Ce disque malgré des textes et un emballage sonore qui pourraient apparaître sombres est bien empreint d’optimisme. L’optimisme est de mise et Pearl Jam en est devenu un très fervent défenseur.
Vous pouvez être fiers de votre bébé !
Comme le dit si bien Jeff Ament : « We’re proud of our twelfth baby after 33 years. So sit back, close your eyes for the first listen, soak up the sounds and the words, and interpret them individually ».
Ils sont tous là à tendre le bras dans la même direction comme à l’époque de Ten :
« This one, we’re all in the room at the same time, with Andrew and we’re all looking at each other, playing off of each other » dit Mike Mc Cready (Goldmine).
Ils ont toujours le plaisir de jouer ensemble comme des enfants :
« It’s still fun to play, like a kid. It’s still making art with your friends » Stone Gossard (Seattle Times).
Le cheval de course de la batterie dixit Eddie, le prodigieux batteur d’évoquer également :
« Just picking the best stuff and making sure the performances were great » Matt Cameron (New & Approved).
Mettez l’aiguille sur Dark Matter, faites marcher votre matière grise et respectez les recommandations du Dieu Eddie Vedder :
« Play it loud, like, really loud » (Alt 98.7).
Ce disque est un « outdoor record » rappelle t’il encore sur Radio Krog.
Il est une connexion avec la nature comme le faisait « Into the wild ».
Un disque à écouter fort chez soi ou en voiture, sur la route, toujours sur la route..
En 4 ans, il s’en est réalisé des choses.
Nous attendons un autre amour en passe d’atterrir dans notre Galaxie.
Inspirez, soufflez,
Inspirez encore, soufflez puis poussez..
Inspirez, soufflez,
Inspirez de nouveau, soufflez puis poussez..
Oui comme cela, poussez..
Much has been done
Much to be done
Love is the Key..