Le Chateaubriand
« Le château l’œuvre complète » chez Entorse Éditions.
Quelle belle œuvre ! Un livre qui se dévore et qui permet tout en le dégustant de se remettre la bouche à neuf.
Imprimé façon je plaide pour la Pléiade aux fins de poétiser davantage la dégustation, ce livre affable plonge dans les Mémoires d’outre trombe d’un haut lieu de la bringue.
En feuilletant avec gourmandise chaque feuillet, nous sommes invités à suivre à Paris, et même ailleurs, un itinéraire dans l’assiette (mais pas que) qui se veut cosmopolite entre un programme libre et une carte blanche, entre les qui est qui et les quilles, les produits d’exception de saison et les belles déraisons, les fêtes, les événements, le confinement et la pâte à pizza.
Des premiers pas de Inaki, notamment, dans les cuisines de la Famille, en passant par le London Calling, le Chateaubriand et son merveilleux Gang, le Dauphin, l’héritage laissé par l’édifice et par Inaki et ses équipes, le pélérinage hédoniste amène à de grands voyages sensoriels, des voyages où jamais rien n’est figé. Inaki, Fred, Franck, Laurent, Catouille et les autres sont les Maîtres de cérémonie de cette bistronomie, de cette entreprise qui réussit si bien dans le temps.
Une équipe, des hommes, des femmes, tous à regarder dans la même direction : les étoiles dans les yeux des gens, des copains, des passagers célestes, plutôt que les étoiles du Michelin.
On se fait un plan à 4,6,8 ou 10?
Une fois que t’es dedans, le plus dur est fait.
Alors dégustes !
Une faim de nuit, un chti canon au comptoir histoire d’éviter de repenser aux boulets du gagne-pain, on attend sa tablée qui va se dresser devant nous tel un dragon crachant les flammes du piano de la cuisine.
J’en ai des souvenirs émus de l’endroit, de ma première découverte de la cuisine de Kiki, de plats stratosphériques, et notamment de ce bouillon de minuit. Je me souviens de ces rendez vous au coin du zinc à faire coincoin avec ma belle, avec quelques loups du soir pour quelques shots non de malambar mais de ceviche, des amuse-gueules, des associations savantes et sensibles, des matières brutes, de l’acidité, du cru, du cuit, des encornets, de l’aubergine brûlée, des moules, du foie gras, le tocino de cielo, refaire le monde en pleine nuit au Dauphin sans rester de marbre, s’enfoncer dans l’obscurité à la X ème bouteille pour découvrir ce qui s’y cache en entendant au loin le chant du Silencio..
Toujours plus haut toujours plus fort: ici pas de tord-boyaux mais des vins nature qui rendent la raison.
Près de 400 pages admirablement sourcées, 100 entretiens établis sur près de 3 ans.Il y a les grands chefs qui racontent :Ducasse, Camdeborde, Hermé, Grébaut, Zampetti,Piège,Pelé, Passerini, les mousquetaires de la critique culinaire, Philippe Katerine qui dessine même son joujou favori, Romain Duris qui décrit si bien l’artiste Inaki, Jonathan Cohen le roi du service à la cuillère, et tant d’autres.
Ce livre dresse pèle mêle pour toutes nos belles pommes, le portrait d’une vie culinaire entre pépins et réussites de premier plan. Il y a au château cette attitude punk, cette jeunesse sonore que ne renierait pas le bien nommé Sonic Youth.
Allez ! branchez la guitare sur le piano pour le brio!
L’année dernière, Inaki et Delphine Zampetti sont partis à Saint Jean de Luz continuer l’aventure culinaire. Inaki gère le « Petit Grill Basque » et Delphine « Chez Maya » la boutique traiteur.
Le château lui perpétue sa demeure en ville. Inaki propriétaire des lieux veille à maintenir sa sphère céleste.
Le Chateaubriand
Entorse Editions